Vendredi le 7 janvier 2022, des chirurgiens américains ont réussi à greffer un cœur de cochon (génétiquement modifié) sur un patient. Lundi, lorsque l’école de médecine de l’Université du Maryland a annoncé cette nouvelle, l’homme de 57 était toujours vivant et son nouveau cœur remplissait bien son mandat. Cette chirurgie de 8 heures est vraiment importante et impressionnante pour plusieurs raisons.
D’abord, il y a environ 110 000 personnes en attente d’une greffe d’organe aux États-Unis. L’an dernier, seulement 41 000 américains ont pu obtenir la greffe tant attendue. À chaque jour, une douzaine d’américains meurent sur la liste d’attente, n’ayant pas pu recevoir le don de la vie assez tôt. Il y a donc une grande pénurie d’organes dans ce pays, mais la situation est la même ailleurs dans le monde. Il n’y a juste pas assez d’organes disponibles pour les besoins.
Pour éviter ces décès, on doit donc trouver une façon d’augmenter la quantité d’organes greffables disponibles. La greffe d’organe d’un autre animal à un humain, la xénogreffe, est étudiée depuis le début du 20ème siècle. Un des problèmes de ce type de greffe est que certains gènes présents dans l’ADN de d’autres espèces créent des réactions violentes chez l’humain qui reçoit un de ces organes. On appelle cette réaction un rejet hyperaigu: en 30 minutes, l’organe transplanté serait détruit par le corps de l’humain receveur d’organe. Par contre, les valves cardiaques des porcs sont déjà très utilisées chez les humains, et la peau porcine peut être employée pour réaliser des greffes sur de grands brûlés sans rejet.
Afin de réussir la greffe, ils ont utilisé la semaine dernière le cœur d’un cochon génétiquement modifié; 10 gènes différents ont été soit retirés ou ajoutés à son ADN. De plus, ils ont créé une nouvelle médication anti-rejet supplémentaire pour diminuer les chances de rejet de l’organe. L’opération est pour le moment un succès: le cœur pompe le sang, gère la pression, le corps ne rejette pas l’organe. Il y a encore beaucoup de choses qui peuvent mal aller, mais on croise les doigts !
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Un mot sur le nouveau greffé :
David Bennett Sr., l’homme de 57 ans au cœur défaillant, a reçu l’autorisation pour son opération de la FDA (Food and Drug Association) puisqu’il est trop malade pour se qualifier pour une greffe de rein humain. Il a donc pu avoir accès à cette chirurgie et à la médication supplémentaire nécessaire à cette aventure hors du commun par la clause de compassion de la FDA. Soit il essayait cela et avait une faible chance de vivre, soit il décédera.
Imaginez son choix. «Monsieur, on ne peut vous greffer un cœur humain. Par contre, on pourrait peut-être tenter de vous greffer un cœur d’un autre animal, mais ça n’a jamais été fait.» Sa réponse: «Well, will I oink?», qu’on pourrait traduire par «Ben, est-ce que je vais faire Grouin?» (le bruit du cochon). L’humour, le meilleur des dédramatiseurs!
Ce qui m’a vraiment frappée, c’est ce qu’il a dit plus tard à son chirurgien: «I dont want to die. If I do, maybe you’ll learn something to help others.». David Bennett Sr., je trouve que cette attitude est parfaite. Bravo. Vraiment.
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Un mot sur l’éthique :
Personnellement, je ne crois pas que l’être humain est supérieur aux autres animaux, ce qui fait de moi une anti-spéciste. De plus, je suis végétarienne depuis déjà 6 ans. Il y a quelques mois, une amie m’a envoyée un article sur une première greffe fonctionnelle de rein sur un humain en état de mort cérébrale (l’article est disponible plus bas), et mon premier réflexe a été d’être dégoûtée par l’idée. Faire «pousser» des cochons qui ne serviront que comme parties de rechange pour des humains, l’idée me repousse fondamentalement.
J’y ai réfléchi pendant quelques jours, pour trouver où je me situais vraiment sur cet enjeu. J’en suis venu à la conclusion que comme si un jour j’allais devoir soit mourir de faim ou manger un animal, je pense qu’il est correct que je le fasse puisque au départ, le but pour tous les animaux est de survivre. J’ai arrêté de manger des animaux parce que je peux éviter ce sort à ces animaux, sans risque pour ma santé. Mais je me suis toujours dit que pour survivre, j’en remangerais.
Pour ma survie, je pense que je le ferais. J’ose espérer que les conditions d’élevage de ces animaux seraient meilleures que dans l’industrie, puisque ce qu’on veut, ce n’est pas un gras cochon, mais plutôt un cochon en santé. J’espère qu’on leur offrirait une vie heureuse, la plus libre possible. Juste penser à ce qui peut aller mal pour eux, ça me vire à l’envers. Mais j’ai le droit de survivre aussi, je pense.Ce que j’aimerais vraiment, c’est qu’on réussisse à faire pousser des organes fonctionnels en laboratoire, ou qu’on puisse créer des options mécaniques fonctionnelles. Tiens, ce sera peut-être le sujet d’une chronique ici un jour !
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Un mot sur le dossier criminel du greffé: On s’en fout. Il est important de soigner tout le monde, car si on commence à choisir, ça s’arrête quand? Un dossier criminel datant d’il y a 34 ans, c’est du passé, et ça n’entre pas en compte lorsqu’on doit soigner quelqu’un, point final.
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Pour en apprendre plus :
Sur la greffe porcine de cœur:
– En français : https://ici.radio-canada.ca/…/transplantation-coeur…
– In English : https://www.nytimes.com/…/heart-transplant-pig-bennett…
L’article original en anglais : https://www.medschool.umaryland.edu/…/University-of…
Entrevue en anglais avec le chirurgien : https://www.medschool.umaryland.edu/…/University-of…Un vieil article de Découverte sur la xénogreffe : https://ici.radio-canada.ca/…/2002/03-2002/xenogreffe.html
Article en français sur la greffe fonctionnelle de rein sur l’humain: https://ici.radio-canada.ca/…/etats-unis-rein-porc…
The article on the porcine kidney transplant on a brain-dead humain : https://www.nytimes.com/…/kidney-transplant-pig-human.html