Depuis que je suis toute petite, je sais que je veux des enfants et j’agis en conséquence. J’ai par exemple gardé mes jeux et mes livres préférés depuis l’enfance pour pouvoir un jour les partager avec mes enfants. J’ai aussi quitté un conjoint parce qu’il ne savait pas quand il voudrait des enfants. Quand j’ai rencontré mon chum en 2019, je lui ai même annoncé à la deuxième rencontre que si jamais ça fonctionnait entre nous deux, on commencerait notre famille environ un an plus tard.
6 mois plus tard, imaginez mon désarroi lorsque j’ai appris que je faisais de l’insuffisance rénale sévère. Encore pire, on m’a annoncé que je ne pourrai avoir d’enfant avant d’avoir une greffe de rein. J’étais complètement dévastée, si près de mon but, et je me suis endormie souvent au bout de mes pleurs.
Plusieurs d’entre vous connaissez déjà notre parcours jusqu’ici. Pour ceux qui ne le savent pas, on a créé un Gofundme en 2020 afin de ramasser 11 000$. C’était le montant qu’on avait besoin rapidement afin de prélever le maximum de mes ovules. On ne savait pas combien de temps ça me prendrait avant d’être greffée et si je serais encore fertile rendue là. À notre grande surprise, on a ramassé le tout en moins d’une semaine, et 17 ovules ont été prélevées dans les mois qui suivirent! Ça sentait l’espoir pour le futur, et j’ai commencé à croire que ça arriverait quand même un jour.
Par la suite, j’ai commencé une campagne qui a duré 2 ans afin de me trouver un donneur vivant. Chaque seconde de plus en insuffisance rénale voulait dire une seconde de moins avec mes futurs enfants. Je voyais cette campagne comme la seule chose sur laquelle j’avais du contrôle pendant que j’étais très malade. Avec près de 20% de mon énergie habituelle, je donnais tout le temps où j’étais fonctionnelle à cette recherche. Me trouver un rein et informer les gens sur la maladie rénale était mon seul travail.
Les démarches depuis la greffe
En décembre 2022, j’ai finalement reçu un rein de mon fabuleux donneur. Je pensais alors que l’attente était presque terminée! On m’avait dit que je devais attendre un an après la greffe avant de tomber enceinte. Je m’attendais vraiment à commencer les implantations en décembre 2023. J’avais l’impression de pouvoir y toucher tellement je croyais qu’on y était.

Durant les années où j’étais malade, on a décidé d’ajouter une étape avant d’avoir un enfant: le diagnostic génétique préimplantatoire, un processus relativement nouveau qui vérifie si les embryons ont les gènes d’une maladie génétique en particulier. Ça nous permettra de ne transférer que les embryons sains qui n’auront pas les gènes de la Maladie polykystique rénale (MPR). Ainsi, nous pourrions nous assurer que nos enfants n’aient pas ma maladie génétique.
Depuis décembre 2023, le moment où on devait pouvoir commmencer les démarches, je cours entre les trois différents hôpitaux qui nous suivent pour faire avancer le dossier et puisse devenir mère. On a commencé par un premier rendez-vous en grossesse à risque, ensuite en diabétologie (la prednisone que je prends en anti-rejet me rend diabétique) et finalement un appel téléphonique en génétique. Tout avançait assez bien dans le premier mois et était encourageant!
Malheureusement, dès janvier 2024, les choses se sont mises à se compliquer. Pour la génétique, j’ai passé de multiples prises de sang à différents endroits. La généticienne ne voulait pas me donner de requête sur laquelle la prise de sang précise à faire serait inscrite si elle ne m’avait pas vue. Elle n’a pas non plus voulu nous donner le nom des tests nécessaires, disant que mes autres médecins les connaîtraient. Grâce à ça, à trois répétitions, la génétique nous avertissait que je n’avais pas passé le bon test. Chaque test prenait 2 mois pour avoir les résultats.
Finalement, j’ai eu un rendez-vous en génétique pour y prendre directement la prise de sang. Comble de tout, je n’y ai jamais vue la médecin qui refusait de faire la requête. Une fois là-bas, j’ai tout simplement passé la prise de sang. Un 6 mois de perdus dans ce processus, pour une médecin que je n’ai jamais vue finalement. C’était hyper frustrant et inutile comme perte de temps, et je ne comprends toujours pas pourquoi c’est arrivé.

Les résultats du test sont finalement rentrés à l’automne 2024. J’ai les gènes pour les versions dominantes et récessives de la MPR. Le jack-pot! Thierry, mon conjoint, a dû ensuite passer des tests pour vérifier s’il était porteur de gènes. Deux mois d’attente plus tard, on a appris qu’il n’a aucun des gènes de la MPR, et qu’on peut maintenant commencer pour vrai le diagnostic génétique préimplantatoire.
Le diagnostic génétique préimplantatoire
Entre temps, on a appris que le test de dépistage préimplantatoire pourrait être payé par le gouvernement, mais seulement si un comité spécial l’approuve. Après avoir relancé une de mes infirmières en octobre 2024, j’ai appris que mon dossier passera devant le comité en novembre. Rapidement, j’ai écrit une lettre au comité pour faire valoir nos points. Pour ne pas manquer mon coup, j’ai pris le temps de faire mes recherches sur les critères d’acceptation afin d’être la plus convaincante possible.
Mi-décembre 2024, j’apprends avec grande joie que notre dossier est passé devant le comité ET QU’IL EST ACCEPTÉ! C’est la première fois au Québec qu’une greffée rénale ayant la MPR pourra avoir le diagnotic génétique préimplantatoire gratuitement, ce qui établit un précédent pour les prochains hommes et femmes qui vivront la même chose. Le gouvernement accepte de payer pour le test, afin d’éviter d’avoir à sa charge des enfants malades qui coûteront bien plus chers à l’état dans le futur.

Depuis cette date, j’attends qu’on me rappelle. J’ai appelé l’infirmière responsable de mon dossier il y a plus d’un mois, qui a appelé l’autre hôpital, qui lui disait attendre de prendre une décision.

Finalement, la semaine dernière, j’ai contacté directement ma conseillère en génétique pour voir où on était notre dossier. Évidemment, mon copain et moi avions deux formulaires de consentement à signer, dont personne ne nous avait parlé malgré les nombreux appels. Ils ont été signés rapidement et renvoyés, et j’attends des nouvelles cette semaine de la génétique.
En résumé
Je pensais naïvement que la partie difficile serait de me trouver un rein, mais j’avais sous-estimé la difficulté de faire avancer un dossier demandant la collaboration de 3 hôpitaux dans deux régions différentes.
Personne n’est habitué à une greffée rénale ayant la MPR qui souhaite avoir des enfants. Encore moins à une qui prend les démarches pour faire cesser la progression de sa maladie dans son arbre généalogique.
Il n’y a pas de remède pour la MPR, mais de cette façon, la MPR s’arrêtera avec moi dans ma famille. Je suis la seule enfant de mon père qui a la maladie, et ça s’arrête ici. Ce choix me coûte des années, mais je veux tellement offrir la plus belle vie possible à mes enfants. L’attente en vaut la peine, mais je dois me le rappeler fréquemment
Ça fait 5 ans que j’attends cet enfant, et je l’espère depuis toute ma vie. J’espère qu’on va y arriver bientôt!
Judith – La guerrière MPR
